Torhout : vivre de bi�re douce et de musique dure

Neil Young au charbon, dans la fournaise de Torhout.

C'est ce qu'on appelle �tre port� par un public.

Kravitz superstar : les tresses, mais pas le stress.
Vous �tiez peut-�tre � Werchter, nous �tions sa-
medi � Torhout, �dition sp�ciale musique dure,
bi�re light et effets de manche (de guitare) :
Kravitz en super(ra)star, Metallica grandguignol,
Neil Young en patriarche mal ras�. Avec en pri-
me, soleil, poussi�re et arrosage des pompiers...
steak-frite peut-�tre), mais dans
l'enceinte mercantile du festival
de Torhout, labellis�e " musique
dure et bi�re l�g�re ". Au pro-
gramme, cette ann�e, m�tal en
coul�e continue sur le podium,
blonde moussue non alcoolis�e
dans les gobelets. R�gime forc�
pour 60.000 festivaliers d'un
jour (et autant dimanche �
Werchter), qui pour endurer la
canicule ambiante, n'avaient sou-
vent qu'un ridicule chapeau de
plage rouge et sponsoris�, ou,
pour les plus agglutin�s, l'arro-
sage sporadique des sapeurs lo-
caux. Face � des groupes peu at-
tractifs visuellement (Sugar,
Tragically Hip...
) c'est ce m�me
public, assez chevelu cette ann�e
(question de mode), qui faisait le
spectacle : dans un nuage perma-
nent de poussi�re sablonneuse,
les d�penaill�s des premiers
rangs jouaient � Flipper le dau-
phin
, s'amusant � se catapulter
les uns les autres par dessus la
mar�e humaine, parfois jusqu'� 3
m�tres de hauteur, avant de re-
tomber lourdement sur leur en-
tourage, et de se laisser d�river
ensuite par dessus les t�tes, tir�s,
repouss�s, les quatres fers en
l'air, jusqu'au pied du podium,
o� le service d'ordre les renvoyait
machinalement � leur case d�part.

Vieux adolescent

Qu'a-t-on entendu cette ann�e �
Torhout ? Le matin, The
Levellers, folkeux et �nergiques
anglais, � qui, d�s 10h20,
quelques noyaux de groupies fi-
rent f�te ; Sugar, trio servant
dry, autour d'un Bob Mould
grassouillet, un bouille sonore
plut�t d�cevant; The Tragically
Hip, importation canadienne, voi-
sin de REM, avec chanteur barbu
en polo mauve, dont la gestuelle
�pileptique et parfois b�tement
obs�ne n'avait rien de tr�s pas-
sionnant.
Plus de consistance avec Sonic
Youth, de bonnes chansons (du
pr�-Pixies ?), assaisonn�es de dis-
torsions : quator d'adolescents
trentenaires, ces New-yorkais ar-
borent un non-look (moche te-
nues, guitares pourries garnies
de vieux autocollants) et singent
des attitudes " rebelles " un peu
surann�es : chanteur-guitariste
longiligne aux allures de grand
Duduche
triturant par moment
ses cordes avec une godasse ou
feignant de casser son instru-
ment ; chanteuse-bassiste en pan-
talon argent�, au visage masqu�
par une m�che blonde et de
grosse lunettes noires. The

Le chanteur filiforme des
virils Black Crowes.
Black Crowes, ses chapeaux-
buses fa�on Slade, son chanteur
en t-shirt � trous-trous, sorte
d'Iggy Pop eff�min�, prest�rent
en bon groupe hard rock, sans
sortir des poncifs du genre.
Enfin, le patchwork " rap-m�tal-
funk " de Faith No More sembla
d�cousu et �reintant, malgr� les
citations musicales abondantes
(g�n�rique de Twin Peaks, ou in-
tro du Final Countdown
d'Europe...) et les glapissements
d'un chanteur moustachu tr�s en
voix ruant � quatre pattes, ou se
laissant basculer dans le public.

The Loner

Pr�c�dant un Kravitz populai-
re et plagieur de talent, on atten-
dait de Neil Young, patriarche
toujours cr�atif, l'�venement
" historique " de la pr�sente �di-
tion. Ce ne fut pas vraiment le
cas : voix hors de commun, mais
prestation comme �triqu�e, avec
morceaux magnifiques (The
Loner, Like a Hurricane, Only lo-
ve can break your heart...
) mais
�tir�s � l'exc�s, ballade sublimes
(Helpless, The Needle and the da-
mage done
) tombant un peu �
plat. il est certain que le fait de
jouer en plein jour, sous une lu-
mi�re �crasante, " tuait " �
l'avance l'atmosph�re du concert.
Mal ras�, foulard sur les che-
veux, lunettes noires et chemise
� carreaux, Neil Young se donna
avec conviction, soutenu par
deux choristes country. On atten-
dit durant une heure et demie
une �tincelle de folie qui ne sur-
vint pas.
Enfin, Metallica donna peut-
�tre � Torhout 93 ce moment un
peu dingue qu'il attendait : musi-
ciens tout de noir v�tus, sem-
blant, gr�ce � des passerelles,
marcher sur le public, avalanche
de rugissements, grandes toiles
macabres couvrant les murailles
de baffles, light-show et fum�es,
bref, tout ce rituel pseudo-diabo-
lique et tr�s th�atral am�nag�
par les formations 100% heavy
m�tal. Ce fut efficace, � d�faut
d'�tre novateur.

Xavier DISKEUVE

Dix-neuf heures trente : Lenny
Kravitz entre sur sc�ne.
Chemise en jeans et pantalon
pat'd'eph', assortiment de colliers
et m�daillons turquoises descen-
dant sur un poitral velu, dread-
locks pendouillant autour d'un
visage empreint d'une s�n�rit� de
gourou. Il s'avance, tranquille,
vers son public, le salue en levant
le bras droit. Puis, comme on re-
v�t un habit de c�r�monie, il se
pare de l'une des dix ou douze
guitares dispos�es � son inten-
tion sur le cot� gauche du po-
dium. Salut � l'autre cot� de la
plaine, puis il vient se poster au
centre derri�re le pied de micro,
les yeux baiss�s, les doigts sur
les cordes.

Et le rumba commence. Lenny
sussure ses premiers couplets
d'une voix a�gue.
A l'instant du premier " solo ",
avec poses hendrixiennes et as-
censions r�p�t�es du manche, il
s'approche d'un de ses comparses
; dans le tr�moussement d'un pas
de deux guitaristique, ses tresses
rasta fr�n�tiquement secou�es
viennent l�cher la chevelure
broussaille de l'autre musicien.
Avec une molesse peace & lo-
vienne, Kravitz vient ensuite se
poser en cotemplation c�t� bat-
terie, o�, sous le regard du
ma�tre, une petite batteuse noire
agresse soudain ses caisses avec
plus de hargne, s'offrant, au bout
de quelques roulements, l'ovation
ravie d'un public en voies de baba-
coolisation...

Sauts de dauphin

Nous n'�tions pas dans l'�le de
Wright ni � Woodstock (� wood-

Pas de deux guitariste entre l'amis Lenny et son brousailleux partenaire.


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